Jeux d'enfance - Jeux de cirque

Jeux d'enfance - Jeux de cirque, Centre national des arts du cirque / CNAC Châlons-en-ChampagneAuteurs : Raoul Bender, Alexandre del Perugia, Anne-Lise Lisicki
Réalisation : Raoul Bender, Roland Cros, Anne-Lise Lisicki
Directeur de collection : Jean-Claude Lallias

DVD vidéo de 169 minutes | CNDP | CNAC, 2007

Librairie de l'éducation | 13 rue du Four | 75006 Paris

www.sceren.fr - cnac.fr

Tel un diptyque, ce cinquième titre de la collection entrer enthéâtre met en dialogue des expériences menées par différents artistes dans des classes (de la maternelle au collège) et le travail de création de Nikolaus auprès d'élèves du Centre national des arts du cirque.
Des éléments concrets de démarches et de réflexion pour que l'initiation artistique et la création soient le prolongement de formes anthropologiques du jeu.

Processus de création et territoires de l’enfance
Anne-Lise Lisicki

"Dans chaque enfant, il y a un artiste.
Le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant."
Picasso

Poser comme hypothèse que les processus de création sont liés aux territoires de l’enfance, c’est interroger la filiation entre les jeux du patrimoine, transmis oralement au sein des cours de récréation, et les jeux créatifs puis organiser un dialogue entre ces deux univers. La cour de récréation n’est-elle pas cette même cour de recréation : lieu de "répétition de la création" ("recréer", "créer encore, de nouveau"), de retour à un état antérieur à la création ("récréer"), d’antériorité ou de renforcement de la création ?
S’interroger sur l’articulation des jeux enfantins avec les jeux circassiens ne serait-ce pas s’interroger sur leur aspect primitif ? Prendre la question du cirque à l’état naissant - et constamment renaissant - appréhender sa chair même ; interroger la transformation du désir spontané de jouer de l’enfant au désir élaboré de l’artiste.
Si les processus de création sont liés aux territoires de l’enfance, du jeu ludique au jeu créatif quelles sont les voies empruntées, à travers quelles exigences, pour quelles raisons ?
L’intentionnalité du mouvement, soit une non-séparation de la technique d’avec l’artistique est alors promue à la défaveur du cirque bien trop souvent réduit à un savoir-faire, à de la technique, à des prouesses…

La parenté entre les jeux ludiques et les jeux créatifs s’appuient sur 3 axes essentiels :

1_ Trouver sa liberté dans la contrainte ou Traiter des processus de création, de recréation…
"Théâtre pour les enfants, théâtre des enfants.
Ce qui se passe dans une salle de répétition est semblable
à ce qui se passe dans la cour de récréation."
Antoine Vitez

Si la cour de récréation est une cour de recréation à l’instar d’une salle de répétition, l’analogie porte sur les processus qui permettent à l’imagination de se renouveler sans cesse. "Malgré" les mêmes jouets, textes, partenaires (les mêmes corps, joueurs), "malgré" les mêmes règles qu’ils imposent, que l’on s’impose, "malgré" les mêmes structures (la cour, le plateau, la piste, l’aire de jeu), "malgré" ce jeu de contraintes, enfants, artistes jouent toujours "comme si c’était la première fois".
Nikolaus aime évoquer cette image d'hommes jouant au foot au milieu d'un champ un dimanche matin : "Mais il y a une erreur dans l'image : autour de ce terrain, il n'y a personne. Pas de spectateurs, pas de femmes ou d'enfants… rien. De la brume, un fin crachin, du froid et des champs agricoles. C'est un spectacle étrange. L'urgence absolue du jeu en absence totale d'observateurs qui pourraient justifier cette urgence". Il s'appuie donc sur cette évocation "pour expliquer l'urgence qui doit à tout moment habiter le jeu d'acteur. Il ne s'agit pas de jouer la vie ou la mort… c'est toujours un jeu. Mais il s'agit d'un état d'urgence qui ressemble aux joueurs de foot du dimanche de Châlons et qui essaient dignement de conquérir leur public : les vaches. Le résultat, si on "ferme les yeux", est le même que si l'on jouait la vie et la mort".

2_ Les symboliques collectives ou Traiter les jeux de masques et de vertige que sont les jeux de transmission orale…
"L’homme n’est pleinement Homme que lorsqu’il joue."
Schiller

Le désir de jouer est universel.
Le balancer, la recherche d’équilibre/déséquilibre, le lancer, sauter, autrement dit les jeux de balançoire, marcher sur un muret, le rebord d’un trottoir, faire ricocher des cailloux, jouer aux osselets, bondir sur son lit, jouer à la corde à sauter n’invoquent-ils pas les jouets du cirque que sont par exemple le trapèze, le fil, les balles du jongleur, le trampoline ?

"Dans le répertoire infini des jeux, les jeux du cirque sont par excellence associés à l'enfance et au vertige. Avec les jouets du cirque, l'élève expérimente le processus qui conduit au mouvement et lui confère sa beauté, tout en réalisant ses rêves d'enfant. Quand j'invite un comédien à entrer sur la piste d'un cirque, je souhaite qu'il découvre ce qu'il est, ce qu'il sent, ce qu'il peut. Avec l'air, je veux qu'il apprivoise sa peur et qu'il commence à rêver. Sur le trapèze, par exemple, j'attends qu'il retrouve la sensation de la balançoire, du berceau".
Alexandre del Perugia

3_ L’état de jeu : un savoir-être et non un savoir-faire ou Traiter de la performance en la pensant
autrement…
"J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant."
Picasso

Si tout enfant se comporte en poète, le poète fait comme l’enfant qui joue.
Jouer, c’est d’abord voir le monde autrement, voir dans le monde ce qui ne se voit pas : voir ce qu’il y a d’autre dans le même, inventer un autre là où il n’y a désespérément que du même.
Chacun d’eux crée un monde imaginaire, "transpose les choses du monde où il vit dans un ordre nouveau tout à sa convenance". (Cf. La Création littéraire et le rêve éveillé, in Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1933). Poète est celui qui dit plus qu’il ne parle, qui voit plus qu’on ne voit quand on ne fait que regarder. Poète est celui qui transfigure la réalité pour avoir cesser de voir un instant les choses telles qu’elles sont (telles qu’elles continuent d’être), pour les voir autrement, leur prêter un sens différent, une valeur nouvelle.
"Pour moi, le vertige est d'abord le plaisir de jouer. Le but du jeu n'est pas la performance mais le, plaisir et la découverte. Comme un enfant découvre et expérimente le monde à travers ses jeux, l'élève modifie la conscience et la vision qu'il a de lui-même et de son environnement à travers le jeu. Dès qu'il prend part à des jeux enfantins, le comédien oublie ses peurs et ses blocages. Il est avec les autres, pris dans une dynamique circulaire, qui s'apparente à l'échange s'effectuant sur scène. En jouant à la marelle ou au chat perché, le comédien renouvelle sa gestuelle et ses stratégies, ce qui modifie sa relation au plateau. Il appréhende autrement sa position dans l'espace scénique et théâtral. Il ne vit plus son corps comme un instrument athlétique mais comme un réservoir de sensations qui le mènent vers l'action."
Alexandre del Perugia

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